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    Mois-Sonner #121 : Quel avenir pour les Game as Service ?

  • Mois-Sonneur
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Nouveau mois terminé, nouveau Mois-Sonneur pour le résumer. Comme d'habitude, le mois de Juillet a été assez calme, dans une année elle-même plutôt calme, d'autant plus en comparaison avec une année 2023 record. Cela nous permet aussi de se poser des questions un peu plus générales, par exemple sur le futur du modèle du Game as Service, qui existe déjà depuis une dizaine d'année. N'hésitez pas à donner votre avis en commentaire et à partager la vidéo autour de vous pour participer à la discussion.

Pour quelques poignées de dollars

Le premier modèle économique de l’industrie du jeu vidéo était celui des bornes d’arcade. Contre quelques pièces, on vous proposait quelques minutes d’amusement, avec pour seul objectif d’avoir votre nom en haut du classement de la borne. Les jeux étaient volontairement difficiles pour vous obliger à remettre une pièce régulièrement, mais pas trop dur non plus pour être sûr de vous accrocher au jeu et ne pas vous décourager. Et puis le jeu vidéo est entré dans les maisons des gens grâces aux consoles, tout le principe des jeux d’arcade tombant d’un seul coup.

Le jeu vidéo s’est alors vendu comme un jouet, puis comme un produit culturel personnel comme un autre. Comme un livre, de la musique ou un film, en cassette ou en DVD, on s’est mis à acheter nos jeux plein pot, en une fois, très souvent lors de leur sortie. Le financement des développeurs suivait donc un cycle d’endettement et de prise de risque en espérant retomber sur ses pieds au moment du lancement du jeu. Avec un peu de chance, le jeu obtenait suffisamment d’argent pour couvrir les frais et préparer le projet suivant, et la machine tournait ainsi.

D’un point de vue purement business, il est plus intéressant d’avoir des revenus réguliers qu’une grosse somme d’un coup. Car les salaires et les charges se payent au jour le jour, c’est donc beaucoup plus simple d’avoir des entrées à mettre en face des dépenses plutôt que de compter à l’avance comment étaler un gros pactole sur plusieurs années. La première parade a été de développer plusieurs projets, obligeant à augmenter les effectifs ce qui a mené petit à petit aux hyper-studios comme Ubisoft ou Electronic Arts. Mais même là, même avec plusieurs grosses sorties dans l’année, cela ne lisse pas suffisamment les gains. Et les indépendants se trouvent toujours à la merci du lancement.

C’est tout ce raisonnement, aidé par la démocratisation d’internet et son inclusion dans le monde du jeu vidéo, qui a mené à la création du concept de Game as Service, une expression prononcée pour la première fois publiquement par Ubisoft il y a une dizaine d’années. En réalité, les gros portefeuilles de l’industrie ont commencé à imaginer un nouveau modèle économique dès le début des années 2010, en visant les PS4 et Xbox ONE comme support de cette révolution.

L’objectif primaire des Game as Service est bien de générer un peu d’argent tous les jours, et cela va amener à créer du divertissement qui va amener de l’engagement chez les joueurs. Les premiers essais se sont appuyés sur le modèle des MMO ou des jeux d’e-sport. La recette pour durée est de proposer un jeu au gamepay solide dont on va venir agrandir le périmètre petit à petit au fil des mises à jour, et donc des années. La promesse de tenir Destiny sur 10 ans nous paraissait folle en 2013, elle a pourtant bien été tenue. Et en face, Rainbow Six Siege est toujours là avec même un certain respect dans la communauté de l’e-sport.

Ces projets arrivent doucement au bout de leur durée de vie et le public a été préparé pour doucement passer à autre chose. On peut penser au cas No Man’s Sky qui continue de choyer son public alors même que Light No Fire a été officialisé. Tous ces projets ont réussi leur pari parce qu’ils ont respecté leur communauté et qu’ils avaient une formule de jeu suffisamment conséquente pour qu’on n’en fasse pas le tour si vite. Cela impose une vraie réflexion et un travail en profondeur à l’avance, ce qui ne convient pas à tout le monde.

Cet espoir du Game as Service a surtout attiré la convoitise de nombreux développeurs et éditeurs qui pensent pouvoir gagner une poule aux œufs d’or à moindre frais. C’est Fortnite et son mode Battle Royale - parce que oui, au départ, c’était bien un mode à part - qui a tout changé en montrant un nouveau chemin. En proposant une formule très simple, reposant sur des idées basiques, et en le monétisant comme il faut, on peut récupérer des milliards de dollars, et un peu chaque jour puisque c’est là le principal objectif.

Tout le monde s’est lancé dedans, d’abord en faisant des Battle Royale et maintenant en multipliant les genres et les twists. Mais la formule de fond repose toujours à chaque fois sur un unique principe qui doit imposer des parties courtes qui donnent lieu à de la compétition avec les autres. Un peu comme à l’époque des bornes d’arcade, mais chacun chez soi. Sauf que les bornes d’arcade sont mortes, il faut donc trouver un moyen de survivre, ou tout ceci n’aura pas été très utile.

Le marché est déjà bien saturé dans ce genre ce qui a mené à quelques décès prématurés. Le créateur de Warframe se désole que certains jettent l’éponge trop vite, comme s’ils n’avaient pas compris que le lancement d’un jeu est maintenant le début de sa vie économique, et non sa quasi fin comme c’était le cas dans l’ancien modèle. Sauf que quand le public n’est pas du tout au rendez-vous, vous ne récupérez rien du tout et vous tombez dans l’obscurité médiatique, le tout avec un projet souvent très creux.

Un moyen de contrer cela est de passer par un jeu à acheter, et non un free-to-play. Une sorte de mélange des deux mondes, comme No Man’s Sky mais aussi comme Dead by Daylight ou Meet Your Maker. L’achat initial permet de récupérer un peu d’argent tout en amenant les joueurs à s’engager dans le projet. Les développeurs peuvent donc gérer leur produit sur le long terme sans être tous les mois dans le rouge, au moins au début. Après, il faut tout de même trouver la bonne carburation dans les saisons de contenus additionnels.

Du côté de ceux qui misent sur la gratuité d’accès, on voit déjà une multiplication des systèmes économiques virtuels, jusqu’à Multiversus qui propose quasiment une monnaie virtuelle par aspect de son jeu. C’est à cela qu’on remarque un jeu plus intéressé par l’argent que par le gameplay. Sauf qu’aujourd’hui, avec la richesse de l’offre et la philosophie de la consommation de contenu à outrance, les projets passent et les joueurs ne restent plus. Même un jeu qui marche et se retrouve dans la lumière médiatique ne reste pas sur le devant de la scène plus de quelques semaines.

Le défi actuel est là, sur deux terrains : comment se faire une place viable pour les nouveaux arrivants, et comment continuer à alimenter la flamme pour les projets déjà en place ? Aujourd’hui, ces deux questions semblent être des énigmes pour toute l’industrie, et aucun début de réponse viable ne semble pointer le bout de son nez. C’est peut-être le signe que ce modèle, pour ces projets jetables, n’a pas de sens et va disparaître de lui-même. Il pourrait alors emporter avec lui ces jeux qui sont plus des contenus à consommer. Mais cela va surement évoluer en parallèle de la dématérialisation et des systèmes d’abonnement qui pourraient bien redessiner le paysage vidéo-ludique.

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