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    Mois-Sonneur #125 : Un DLC est-il un jeu ?

  • Mois-Sonneur
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Retour sur l'actualité gamer de Novembre 2024 dans ce nouveau numéro du Mois-Sonneur, un mois globalement calme. Tout cela pour attendre les Game Awards et se lancer dans d'interminables débats liés aux nominations. On va justement creuser un de ces débats dans la question du mois de ce 125ème Mois-Sonneur, avec un bonus à l'écrit que vous retrouvez ci-dessous. Et comme toujours, n'hésitez pas à commenter et à partager autour de vous pour prolonger la discussion.

Il y en a un peu plus, je vous le mets quand même ?

Jusqu’au milieu des années 2000, un jeu vidéo était un objet qu’on achetait en une fois, en un seul morceau. On était alors bloqué avec le contenu présent sur le disque ou la cartouche, et pour avoir un petit supplément il fallait attendre une hypothétique suite. Personne n’aurait imaginé avoir un segment d’histoire en plus, une nouvelle zone à explorer ou même de nouveaux éléments cosmétiques à collectionner. Tout était là.

La généralisation de la connexion à Internet a ouvert la possibilité aux développeurs de revoir leur copie et de proposer des mises à jour. Un jeu n’était plus condamné à être buggué. Et très rapidement, certains se sont dit qu’on pourrait aller plus loin en proposant un petit supplément qu’on n’avait pas pu inclure dans le jeu de base. Ce petit contenu en plus était téléchargeable, pouvait être payant et se présentait bien comme une pièce rajoutée pour faire plaisir aux personnes qui avaient aimé le produit de base.

Et nous voici en 2024 où le marché du DLC a pris son envol depuis bien longtemps. Aujourd’hui, on peut corriger la fin d’un jeu ou même proposer la vraie fin en supplément, on peut proposer une toute nouvelle zone à explorer, des nouvelles zones pour du multijoueurs, des nouveaux cosmétiques et on va même jusqu’à accompagner tout cela de mises à jours qui ont pour objectif de transformer le jeu de base. Et en prolongeant le raisonnement, on en arrive aux saisons des Games as Service, où le jeu arrive en kit, et y reste jusqu’à disparaître.

Il n’est même plus rare de voir des jeux solo proposés des DLC. Il y a eu Lost and Damned ou encore Ballad of Gay Tony pour GTA 4, qu’on appelait alors des Stand Alone. Il s’agissait de toutes nouvelles aventures dans la même carte et avec la même technique que GTA 4, des jeux jouables en eux-même sans avoir fait l’aventure de Niko Bellic. Puis il y a eu Burial at Sea, une postface en deux parties de Bioshock Infinite, quelques heures de gameplay pour lier toute la licence. Ou encore Tiny Tina qu’on découvrait dans Borderlands 2 avec une série de missions spéciales.

Sur ce modèle, The Witcher 3 a sorti Blood and Wine, une nouvelle zone de jeu, avec une nouvelle direction artistique et de nouvelles missions scénarisées, à mi-chemin entre le stand alone et l’add-on. Une aventure complète, avec toutes les qualités du jeu de l’année de départ, et commercialisée à un prix de jeu complet. Le projet a été jusqu’à gagné le titre de meilleur RPG de l’année aux Game Awards, et on n’a pas trouvé grand monde pour s’en émouvoir à l’époque.

Car tout cet article n’existe que par la présente de Shadow of the Erdtree, le DLC d’Elden Ring, parmi les nommés au titre de jeu de l’année pour la cérémonie des Game Awards. Cette place est issue du choix de dizaines de rédactions journalistiques qui ont estimé que le contenu faisait partie de ce qu’il s’est fait de mieux en 2024 dans le monde du jeu vidéo. Et surtout, qu’il s’agissait d’un jeu.

Comme je l’ai montré par la très longue introduction de cet article, la situation est beaucoup plus nuancée sur ce qu’est un jeu à part entière. Prenez Super Mario Galaxy 2 qui reprend le moteur de Super Mario Galaxy 1 et offre de nouveaux niveaux. On dit qu’il s’agit d’un jeu parce qu’il est sorti en boite avec une numérotation différente ? Parce qu’il propose une grosse durée de vie ? Par son prix de commercialisation initial ? Il aurait pu être considéré comme un DLC que cela n’aurait pas changé sa grande valeur.

Le marché du jeu vidéo aujourd’hui est d’ailleurs beaucoup plus étrange, en proposant des jeux encore en développement qui ont le droit de gagner des prix. Une jeu en accès anticipé n’est pas sorti officiellement et pourtant il peut être le meilleur dans sa catégorie ? Et une fois qu’il a gagné, on ne peut plus le récompenser quand il est fini ? Prenez Manor Lords qui concourt cette année dans la catégorie meilleur jeu de stratégie gestion alors que son créateur lui-même rappelle que le jeu est en chantier de toute part. À l’opposé, Baldur’s Gate 3 n’a jamais été évoqué de ses longs mois d’accès anticipé, et c’est bien la version finale du jeu qui a gagné en 2023.

Dans la liste des bizarreries avec lesquelles nous n’avions pas à composer par le passé, il faut compter les saisons de contenu et les mises à jour programmées comme avec Destiny 2. Le FPS de Bungie annonçait à l’avance qu’il fallait repasser à la caisse régulièrement, ce que les joueurs de Call of Duty font tous les ans pour des changements d’une ampleur comparable. Ce travail de développement n’est pas nécessairement moins complexe que de faire un tout nouveau projet, et les joueurs s’y retrouvent en gardant le produit qu’ils aiment sur le long terme.

Il y a en réalité deux questions derrière ce cas des DLC aux Game Awards. D’un côté, le fait de savoir ce que doit récompenser une telle cérémonie. Doit-t-elle récompenser l’innovation et donc retirer tout type de DLC ? Dans ce cas,même des suites trop proches de l’original ou des remakes trait pour traits devraient être retirés, sauf qu’il faudra décider d’une ligne de démarcation qui n’a rien d’évident. Doit-t-elle retenir uniquement la base d’un projet ? Et dans ce cas, on s’appuie uniquement sur la version à la sortie sans tenir compte des correctifs arrivés entre-temps. Quoi qu’il en soit, il faut faire un choix, arbitrairement.

De l’autre côté, il y a la question de ce que les joueurs considèrent comme un jeu. Et en 2024, un jeu en accès anticipé ou en DLC ressemble beaucoup à de vrais jeux pour une bonne partie du public, une partie par forcément très loquace sur internet. Quelque soit la durée du contenu, son niveau de finition ou le fait de le raccrocher à un autre jeu, le public achète ces produits pour y jouer, sans se poser la question de leur statut juridique. Et c’est peut-être ce qui doit rester : jouez à ce que vous voulez jouer, appréciez ces œuvres comme bon vous semble. Le reste, c’est de la discussion de comptoir, que les commentateurs dont nous faisons partie chez Total-Gamer seront ravi de prolonger.

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