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Mois-Sonneur #124 : Quel jeu a marqué 2024 ?
Nous voici au début du mois de Novembre 2024, le bon moment pour sortir un Mois-Sonneur sur le mois d'Octobre. On a bizarrement pas trop parlé d'horreur en ce mois d'Halloween et comme aucun sujet d'actualité ne s'est imposé dans le monde du jeu vidéo, on fait déjà un bout de bilan sur l'année. Retrouvez un texte complémentaire sur la question du mois ci-dessous, après la vidéo.
Et le jeu de l’année est …
La mémoire est un drôle d’objet. De 2019 à 2022, nous avons vécu des années assez creuses dans le monde du jeu vidéo, du point de vue des sorties de nouveautés. Chaque année, au mois de Novembre, il fallait se creuser la tête pour trouver plusieurs concurrents crédibles au titre de jeu de l’année, et parfois même un seul jeu qui aurait le niveau pour “mériter” ce titre. Et tout ceci a mené au feux d’artifice que fut 2023 avec une bataille gargantuesque entre Baldur’s Gate 3, Alan Wake 2, The Legend of Zelda Tears of the Kingdom et Super Mario Wonder.
Et nous voilà en 2024 où on entend déjà que l’année fut décevante. Une année avec Final Fantasy 7 Rebirth, Dragon’s Dogma 2, Black Myth Wukong ou encore Dragon Age the Veilguard, sans oublier les curiosités comme Metaphor ReFantazio ou Animal Well. Comme si 2023 était une norme que l’industrie n’aurait pas atteinte cette fois-ci. Dans les faits, 2024 a offert sans cesse des nouveaux jeux, dans tous les styles ou presque, et dans un niveau global de qualité assez élevé. Clairement, nous vivons à une époque formidable pour le monde du jeu vidéo, du point de vue des sorties car l’industrie a beaucoup de mal à assumer son statut, en témoigne les trop nombreux licenciements encore cette année.
Là où le paradoxe est encore plus grand, c’est lorsqu’il faut évoquer les jeux marquants de l’année. Sans chercher lequel est le meilleur, il reste difficile de sortir des noms de jeux qui nous ont impactés, et dont on est sûr qu’ils marqueront un tournant dont on se souviendra pendant plusieurs années. Pourtant, l’année a démarré avec Palworld, attirant des millions de personnes et de critiques en plagiat. Comme le symbole de l’année que nous allions vivre, Palworld était le meilleur jeu de tous les temps ou presque à entendre le bruit ambiant, et puis plus rien en quelques semaines lorsque Helldivers 2 arrive. Et lui aussi fait la une des sites spécialisés tout en attirant ses millions de joueurs. Et le cycle était lancé.
C’est le lot du monde sous les réseaux sociaux où les modes se succèdent d’un jour sur l’autre, ou plus rien n’a vraiment d’importance et où les extrêmes prennent toute la place médiatique. Palworld et Helldivers 2 sont des projets tout à fait correctes (le premier est quand même inquiété par Nintendo pour la question du plagiat), mais de là à fédérer des millions de joueurs comme ça, il y a un pas qui n’aurait pas été franchi il y a encore 5 ans. Surtout pas avec cette brutalité dans l’arrivée puis dans le départ.
Prenez un jeu comme Rocket League, sorti en 2015 et rapidement devenu un phénomène d’influenceurs. Il a fallu quelques semaines pour que le jeu prenne vraiment et aujourd’hui, presque 10 ans après son arrivée, il est toujours là, dans le paysage, bien connu et régulièrement relancé. Aujourd’hui, on aurait le sentiment que le jeu vivrait quelques semaines, ramènerait des tonnes d’argent et pourrait être débranché aussitôt. Soyons honnête, combien de personnes seraient émues si Palworld annonçait son arrêt définitif sur le champ ? Pas grand monde, il me semble.
C’est à la fois un mode de consommation et un mode de production qui mise sur le gain rapide. Un modèle qui nous vient de Fortnite qui a su rester en vie quelques années, allant jusqu’à changer de statut pour devenir une plateforme pour d’autres jeux. La qualité du produit n’est même plus vraiment liée à sa réussite, il faut être là au bon moment, au bon endroit, avec la bonne communication, et prendre tout ce qu’il y a à prendre. Helldivers 2 en est le meilleur exemple. Et de toute façon, le projet d’après pointe déjà le bout de son nez et le public s’apprête à bouger.
De l’autre côté, il y a tous les projets qui ne rentrent pas dans ce schéma mais qui subissent la même roulette russe, avec des conséquences tout aussi extrêmes. Je pense par exemple au jeu Alone in the Dark, loin d’être mauvais et qui s’est vendu dans des quantités ridicules. Un jeu de ce genre, il y a une dizaine d’années, aurait fait ses ventes avec quelques curieux et son nom qui joue pour lui. Tout ceci n’existe plus vraiment en 2024, à l’heure de la consommation à l’outrance.
Le meilleur exemple de cette consommation qui va dans tous les sens se tient certainement dans les gros ratés de l’année que sont Suicide Squad Kill the Justice League, Skull and Bones et enfin Concord. On pourra évoquer toutes les raisons possibles et imaginables, on est sur des jeux qui n’ont pas trouvé leur public, pour faire dans l’euphémisme. Les différentes polémiques plus ou moins justifiées n’ont pas aidé, le vent médiatique était contraire et cela a donné des catastrophes qui se comptent en centaines de millions de dollars.
J’ai déjà parlé en détail de Concord, on sait maintenant que son crash a coûté au moins 200 millions de dollars à Playstation, auxquels on peut ajouter le prix de la licence et du rachat du studio qui ne sont pas connus mais ont coûté un peu plus que deux Twix. Croyez-moi qu’il y aura maintenant une jurisprudence Concord chez Playstation, tout comme il y aura une jurisprudence Suicide Squad chez Rocksteady ou une jurisprudence Skull and Bones chez Ubisoft (quoi que dans leur cas on ne sait plus vraiment quel jeu fait jurisprudence).
Mais leur malheur fait d’eux des jeux qui marqueront beaucoup plus que Palworld ou Helldivers 2, et même plus que Dragon’s Dogma 2 ou Dragon Age the Veilguard. Ce serait provocateur de dire que Concord est le jeu de l’année 2024, mais c’est peut-être bien le jeu qui représente le mieux l’industrie du jeu vidéo en 2024, dans de nombreux aspects. Et je suis prêt à prendre le pari que c’est le jeu de 2024 dont on se souviendra le plus dans les années à venir.
Pour terminer sur une note plus optimiste, il convient d’évoquer la scène indépendante qui prendra sa valeur avec les ans. Des jeux comme Paper Please ou Disco Elysium n’ont pris leur poids que plusieurs mois après leur sortie, et ils en prennent encore plus chaque jour qui passe. Même The Walking Dead Saison 1 par TellTale Games n’a eu son aura qu’après son titre de jeu de l’année, tout comme It Takes Two (dont on pourra discuter le statut d’indépendant). On se souviendra donc peut-être de 2024 pour un fantastique jeu indépendant qui n’a pas encore complètement percé le brouillard médiatique du quotidien.
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