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    Mois-Sonneur #112 : Quel bilan pour Jim Ryan ?

  • Mois-Sonneur
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Retour sur un mois de Septembre 2023 très chargé du coté des actualités du jeu vidéo, avec quelques sorties de choix pour accompagner le tout. Et puis Sony nous a offert un sujet de choix pour la question du mois, on ne s'est donc jeté sur l'occasion et vous en trouvez une version écrite, avec un angle différent, ci-dessous, après la vidéo. Comme toujours, n'hésitez pas à commenter et à partager autour de vous.

Toutes les bonnes choses ont une fin

Le monde du jeu vidéo est peuplé de personnages qui rythment l’actualité et avec qui on finit par s’attacher. Je ne parlent pas là de Mario, Link ou Lara Croft mais plutôt des créateurs en tout genre, les Hideo Kojima, Shigeru Miyamoto ou Cory Barlog, mais aussi les patrons de l’industrie comme les Phil Spencer, Doug Bowser, Tim Sweeney et autres. Bien sûr que ce sont de vrais personnes mais nous ne les côtoyons qu’à travers le prisme médiatique qui déforme un peu leur image pour en faire des acteurs de l’industrie, des personnages de l’actualité.

Voilà que l’un des personnages principaux vient d’annoncer son départ de la pièce. Monsieur Jim Ryan, patron de Sony Interactive Entertainment, qu’on simplifiera pour des raisons de clarté à patron de Playstation, indique qu’il va prendre sa retraite. Une annonce que personne n’avait anticipée et qui intervient à un moment où le constructeur japonais n’est pas une situation tout à fait calme, ce qui interpelle forcément.

Si on refait l’histoire pour mieux comprendre, monsieur Ryan est rentré chez Sony lors du début de la branche “Interactive Entertainment” en Europe. En clair, Jim Ryan fait partie des gens qui sont chez Playstation depuis la première console, depuis 1994. Plus politique et administratif que technicien, monsieur Ryan a doucement grimper l’échelle interne jusqu’à hérité du poste de patron global en 2019, à un moment où la PS4 écrasait la Xbox One et juste après le titre de jeu de l’année de God of War à la barbe de Red Dead Redemption 2. Une ascension classique pour une personnalité qu’on voyait de temps en temps mais qui n’était pas non plus un acteur de premier plan.

La navire Playstation voguait tranquillement en imposant sa loi avec des jeux tournés vers l’histoire, l’expérience solo et quand même pas mal de mondes ouverts pour fournir de la durée de vie. C’était la recette de Horizon Zero Dawn, Days Gone, Ghost of Tsushima et donc God of War. En pratique, il n’y avait pas grand chose à faire si ce n’est s’appuyer sur les suites de ces projets à succès et protéger The Last of Us 2 pour arriver doucement sur la PS5 avec une confortable avance sur le concurrent direct.

C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé en 2020 et ce malgré la pandémie de Covid-19. Jim Ryan a lancé la PS5 avec une communication plutôt maîtrisée, surtout compte tenu du contexte, et cela s’est révélé être une réussite commerciale, la PS5 écrasant aussitôt la Xbox Series X et atteignant les chiffres des meilleures heures du constructeur. Mais finalement, il est légitime de penser que la PS5 aurait atteint ces résultats sans personne à la tête, la console étant arrivé sans vrai gros jeu de lancement, sans grosse nouveauté technologique et sans vrai arguments face à la concurrence et même face à la PS4. Au moins, Jim Ryan n’a pas ruiné une situation favorable.

Mais dès le début d’année 2021, les choses se sont compliquées, surtout dès qu’il a fallu prendre la parole et se mettre sur le devant de la scène. Il a été dit que la bascule vers la PS5 devait être immédiate, poussant quelques éditeurs tiers à se conformer à cette décision en urgence, pour que finalement même Playstation ne respecte pas la consigne comme le prouve Horizon Forbidden West ou God of War Ragnarok. Premier couac géré de façon pas très propre, notamment vis à vis de Resident Evil 8 ou Himan 3.

Cet épisode est très représentatif du passage de Jim Rayan aux commandes de Playstation. Un gestionnaire honnête en interne, consensuel, capable de gérer les problèmes dans le calme mais pas à la hauteur médiatique du rôle. Un costume trop grand, surtout lorsqu’il fallait affronter le regard populaire et le feu des médias, mais sans faire face à des attaques très mordantes. On se souvient de commentaires très limites sur des problèmes de harcèlement dans l’industrie, une gestion des DLC et de la hausse des prix qui n’a pas été claire ou encore une position jamais stable sur la notion de service à abonnement.

Ce n’est peut-être pas un hasard si c’est sous Jim Ryan que Sony a abandonné la présence en conférence pour se réinventer sous la forme ses State of Play et des Playstation Showcase, deux formats qu’on n’arrive toujours pas vraiment à différencier mais passons sur ce détail. Playstation communique désormais directement avec ses fans, dans des vidéos pré-enregistrées, moins passionnantes et moins passionnées, beaucoup plus cadrées, où on ne risque pas de dire quelque chose qu’on n’aurait pas maîtrisé. Une forme de réussite qui correspond bien au bonhomme.

Par la suite, la politique menée sous le règne de Jim Ryan s’est reposée sur deux grands choix : sortir les jeux sur PC et passer vers du Game as Service. Abordons la première stratégie qui vise à toucher plus de joueurs en mettant fin au principe d’exclusivité. L’idée est simple : mieux rentabiliser les gros développements et moins dépendre de la vente de consoles. L’exemple qui avait été pris à l’époque était celui de God of War 2018, jeu de l’année et énorme réussite critique qui s’est retrouvé “bloqué” à 25 millions de ventes ou quelque chose de cet ordre. En allant sur d’autres plateformes, ce qui ne nécessite qu’un travail assez simple (toute proportion gardée bien évidemment), le jeu pourrait faire de nouvelles ventes et donc augmenter ses gains, sans avoir à vendre de PS4 ou de PS5.

Factuellement, du point de vue des joueurs, l’arrivée des jeux Playstation sur PC est une excellente décision. Cela permet justement de découvrir des aventures formidables sans avoir à remettre quelques centaines d’euros dans du matériel. Pourtant, cette politique n’est qu’à moitié assumée parce que quelques fans bruyants tiennent toujours l’exclusivité comme un étendard à agiter face aux fans de Microsoft. Il était facile d’avoir une position ferme et d'apparaître comme le maître des lieux, ce n’est pas ce qu’il s’est passé. Et le même constat peut être fait sur le jeu à abonnement où Playstation a fini par y mettre un peu un pied, sans vraiment l’accepter.

L’autre axe politique est celui qui a le plus interrogé et dont on a le moins vu pour le moment. Jim Ryan a clairement demandé d’infléchir les productions des studios Playstation vers du Game as Service, un genre qui n’était pas du tout maîtrisé par les développeurs visés et à qui on a demandé une dizaine de nouveaux projets pour quelques années. Et cette annonce perdure encore aujourd’hui avec le rachat de Bungie qui est devenu l’organe interne de contrôle et qui s’est permis de remettre à sa place Naughty Dogs, qu’on a donc essayé de dévoyer.

Le fait est qu’on ne peut pas dire, à l’heure actuelle, si ce changement de cap est une bonne chose ou non. Et peut-être qu’on ne pourra jamais le dire car les projets sont toujours très secrets et que monsieur Ryan ne sera bientôt plus là pour appuyer dans cette direction. Dans le cas d’un abandon de cette politique, Playstation aura fait une pause dans son cycle et devra encore composer quelques années avec très peu de jeux à présenter à son public. Et alors, on pourra rediscuter de cette politique, peut-être en élargissant la discussion au cas du Game as Service de façon plus générale.

Le dernier acte de Jim Ryan à la tête de Playstation est peut-être la raison de son départ à la retraite un peu précipité. Microsoft a acheté Bethesda puis, surtout, Activision-Blizzard, un affront que Playstation n’a pas voulu laisser passer sans rien dire. Le symbole d’un colosse dont on découvre que ses pieds sont en argile, et qui a peur d’un concurrent qu’il écrase depuis une dizaine d'années. Et c’est Jim Ryan qui a joué le rôle de porte voix, allant devant toutes les institutions qui le demandaient pour expliquer, larme à l'œil, que la potentielle perte de Call of Duty condamnerait Playstation.

Cet argument n’était pas raisonnable, tout le monde pouvait le voir et Microsoft l’a vite prouvé en proposant des contrats pour assurer la sortie de la licence sur différents systèmes sur les 10 prochaines années. Mais non, c’est resté la ligne de Playstation, avec un Jim Ryan au discours ambivalent, indiquant bien en interne qu’il était d’accord avec les analystes. C’est là qu’on a retrouvé le costume trop large, surtout face à Phil Spencer, patron de Xbox qui lui sait faire face aux médias. Et le résultat de cette histoire, avec une validation du rachat et la commission américaine de la FTC qui s’est trouvée ridiculisée sur la base des arguments de Playstation, a fragilisé monsieur Ryan.

De façon formelle, bien sûr qu’il aurait pu rester à son poste quelques mois/années supplémentaires, la pression n’est pas aussi élevée que cela. Mais pour quoi faire ? La seule chose qu’il reste est cette stratégie du Game as Service, qui n’est pas certaine de se prolonger très longtemps. Jim Ryan évite donc de faire l’année de trop et offre à Sony le temps de choisir son remplaçant. Un choix malin, réfléchi dans l’ombre et annoncer sans grand spectacle, à l’image du bonhomme.

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