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Mois-Sonneur #105 : Le rachat d'Activision-Blizzard va-t-il se faire ?
L'année 2023 est déjà bien lancée alors qu'on a encore l'impression qu'elle vient tout juste de commencé. Et comme le temps passe très vite, on s'est rendu compte qu'on n'avait jamais pris le temps de deviser sur le rachat d'Activision-Blizzard par Microsoft dans le cadre d'un Mois-Sonneur. On essaye donc de ne pas faire de redite avec ce qu'on a pu faire en podcast, tout en essayant de prédire le futur, comme souvent dans l'exercice du Mois-Sonneur. Comme toujours, vous retrouvez un texte complémentaire sous cette vidéo, et nous vous invitons à commenter ou à partager tout ceci autour de vous.
Pour une poignée de dollars
C’était la grosse affaire de 2022 et cela reste la grosse affaire de 2023 dans le monde du jeu vidéo : Microsoft rachète Activision-Blizzard pour un peu moins de 70 milliards de dollars. Et ce rachat est toujours au présent un peu plus d’un an après son annonce, car l‘histoire est bien loin d’être définitivement conclue. On en a d’ailleurs parlé en long, en large et en travers, notamment par le biais de nos Podcasts, mais on ne s’est jamais vraiment arrêté pour écrire dessus et faire un point, presque à mi-parcours. Car oui, si vous êtes déjà fatigué de ce feuilleton judiciaire, vous n’êtes pas au bout de votre peine.
Pour que tout le monde ait les idées claires, petit résumé des choses, en très accéléré sinon il nous faudrait quelques milliers de signes en plus. En 2021, une très grosse affaire de harcèlement éclate chez Blizzard et elle éclabousse très rapidement tout Activision-Blizzard, avec des suites qu’on devine judiciaires. Pour essayer de sauver sa peau tant qu’il le peut, le patron de la boite, monsieur Bobby Kotick, négocie en quelques semaines la vente d’Activision-Blizzard à Microsoft, le tout débouchant à l’annonce officielle de l’opération début 2022. On vous passe les péripéties en tout genre pour arriver fin 2022 avec l’entrée en jeu des commissions de régulation de la concurrence qui vont alors suivre l’avis de Sony et plutôt s’opposer au rachat, la commission américaine allant jusqu’à envoyer cela devant sa cours spéciale.
L’argument qui revient contre Microsoft est la possible exclusivité de Call of Duty sur ses systèmes. Sony estime que cela lui serait très préjudiciable, un argument qui ne tient pas vraiment devant les faits actuels mais les grandes instances font les sourdes oreilles. Il y a donc deux gros obstacles sur le route de Microsoft : les commissions européennes, américaine et du Royaume-Unis, et la date butoir de validation de la transaction déjà placée au 30 Juin 2023. La course contre la montre est lancée, tout comme les investigations plus en profondeur et les tractations en tout genre.
Le premier écueil est donc celui des institutions internationales et, visiblement, l’américain met toutes les chances entre ses mains. Tous les patrons se succèdent, arrivent avec des chiffres et le tout constituent des argumentaires qui dépassent la centaine de page, la technique d’occupation du terrain de l’adversaire. Pour chaque argument de Sony, il y a 10 réponses, la première de ces réponses étant que c’est Sony qui est en position privilégiée aujourd’hui, et que ce rachat ne viendrait pas remettre ce fait en cause.
S’il faut aller plus loin et montrer sa bonne volonté, Microsoft ira. Puisque Call of Duty semble le problème mis en avant par Sony, voilà un contrat de 10 ans du FPS, et même sur le Playstation Plus s’il le faut. Nintendo ne s’est d’ailleurs pas fait prié et a signé le papier dès qu’il l’a vu, venant ajouter encore un peu plus de bazar à l’histoire. Et Nvidia qui se dit inquiet pour le monde du cloud gaming, notamment pour son système GeForce Now ? Là encore on offre 10 ans de jeux, seulement si le rachat se fait. Vous comprendrez que c’est un argument assez fort pour faire changer les avis des oppositions.
Vous vous demandez peut-être pourquoi Microsoft brade Call of Duty à ce point, lui qui reste la meilleure vente de l’industrie année après année ? Et pourquoi Microsoft est même prêt à brader son catalogue PC pour alimenter son concurrent Nvidia ? Ne croyez pas que l’américain soit devenu fou, ou idiot, ou qu’il ait perdu le sens des affaires. Call of Duty n’est pas du tout le plus gros morceau de ce rachat. Les 70 milliards de dollars, c’est d’abord pour l’éditeur de jeux mobiles King, et son très lucratif Candy Crush.
Passé l’argent récupéré par les jeux mobiles, l’intérêt pour Microsoft est avant tout de récupérer des forces vives pour le futur, afin d’alimenter son Game Pass. La guerre des consoles est perdue, l’entreprise de Redmond a donc arrêté de se battre sur ce terrain pour créer son propre champ de batailles, celui des systèmes d’abonnement dans le monde du jeu vidéo. Et puisque Sony refuse d’aller sur ce terrain, il faut trouver d’autres arguments pour mettre des bâtons dans les roues de ses adversaires, d’où la carte Call of Duty qui n’a aucun poids réel.
L’objectif actuel est donc de faire plier la commission européenne qui semble être la plus ouverte à la discussion ; les autres commissions devraient alors plus ou moins se ranger derrière. On devrait donc continuer à voir une distribution de cadeaux, avec Sony qui va s’isoler de plus en plus en continuant de jouer son rôle d’empêcheur de tourner en rond.
Mais si vous avez bien suivi, il reste encore un écueil sur la route de Microsoft : la date limite du 30 Juin 2023. Un problème d’autant plus grand que le procès devant la cour américaine de protection du consommateur n’aura lieu qu’en Août 2023, avec un jugement certainement prononcé vers la fin d’année 2023. Et comme cela, on se dit qu’on peut mettre tout cet article à la poubelle puisque l’accord ne sera pas juridiquement validé par toutes les parties avant la date indiquée sur le contrat.
Sauf que Microsoft en premier, et Activision-Blizzard en second, restent confiant sur le fait que ce rachat se fasse dans les règles. Et de l’autre côté, Sony continue de se battre au quotidien donc soit tout ce monde n’a rien compris, soit il y a autre chose. De ce que nous comprenons, l’accord pourrait être validé entre les parties, le rachat acté mais en suspens de la décision de justice qui pourrait alors non pas annuler la transaction mais l’amender un peu. Il faut ici avoir en tête ce qu’il s’est passé lorsque Disney a racheté la Fox, un rachat contre lequel s’était prononcé la justice américaine mais qui est quand même devenu réalité.
Donc oui, pour faire simple, je crois aujourd’hui que le rachat d’Activision-Blizzard va se faire, même avec ces embûches sur le chemin. Les moyens mis en œuvre sont trop importants et il y a maintenant trop de parties intriquées pour que tout cela tombe à l’eau. En effet, si jamais l’opération est annulée, on parle de milliards de dollars de pénalités, sans compter le retournement des investisseurs contre Activision-Blizzard, et maintenant l’implication de Nintendo ou de Nvidia à qui on vient de promettre monts et merveilles.
Mais rassurez-vous, les histoires de coulisse ne s’arrêteront pas là. La plainte contre Activision-Blizzard est toujours en cours et on nous murmure avec insistance que Bobby Kotick tiendrait très fort à son siège de patron, ce qui ne serait pas franchement au gout de Microsoft. Il faudra ensuite intégrer tout ça au bazar déjà ambiant dans la nouvelle organisation du constructeur américain, ce qui devrait là aussi causer quelques remous. Vous l’avez compris, le cirque est bien loin de fermer ses portes.
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