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    Mois-Sonneur #101 : Les fuites, bonne ou mauvaise chose ?

  • Mois-Sonneur
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Nous venons de vivre un très gros mois de Septembre dans le monde du jeu vidéo, entre Ubisoft Forward, Nintendo Direct, State pf Play, Tokyo Game Show et même Call of Duty Next. Et à cela, on peut ajouter Google qui ferme Stadia (dont on parle en podcast). Et pourtant, ce sont des images pourries autour d'une vielle version de développement de GTA 6 qui ont attiré tous les regards. Voilà pourquoi on regarde plus en détail ce phénomène des fuites dans le jeu vidéo, dont on discute sous le Mois-Sonneur #101 ci-dessous.

Y a-t-il un plombier dans la salle ?

Les fuites dans le monde du jeu vidéo, il y en a depuis la nuit des temps, il y en a encore aujourd’hui et cela prend des proportions dantesques grâce à internet et il y en aura toujours. Voilà pour le constat de base qui permet de mettre cette question de côté et de plutôt chercher un peu de nuance, notamment sur les gains et les pertes du phénomène. On aura alors une petite chance de dire des trucs pas complètement idiot.

La question des fuites dans le monde du jeu vidéo vient de s’imposer à tous parce que c’est Rockstar qui vient d’en être victime, et encore plus, c’est le futur Grand Theft Auto, qu’on appelle tous GTA 6 pour le moment. La suite du jeu le plus vendu de tous les temps, avec un public immense dont une bonne partie qui n’est pas éduqué à la fabrication de jeu vidéo, un studio connu pour sa communication au compte goutte, tous les ingrédients étaient là pour un boucan d’enfer autour de quelques images pas très clair.

Commençons par revenir sur ces fuites autour de GTA 6 qui vont nous servir de premier cas d’étude pour ensuite élargir la discussion. Un pirate informatique, extérieur à Rockstar Games, a eu accès à quelques images de GTA 6 en développement, des images de quelques systèmes en pré-production qui se sont retrouvées partout sur internet. En soi, on n’y apprend pas grand-chose si ce n’est que Rockstar développe le jeu qui a été annoncé par quelques insiders depuis plusieurs mois. Pas de quoi s’exciter à première vue.

Et ce fut le drame, avec quelques fans qui ont décidé de se faire un avis définitif sur un produit pas encore commencé sur la base de ces pré-images volées. Et sur cet avis hautement contestable, ils se sont dit qu’ils allaient mettre la pression sur des développeurs qui n’en manquent déjà pas. Et comme cela, les fuites se retrouvent à avoir le mauvais rôle, ce qu’elles ont en partie sur ce coup là.

C’est d’ailleurs la thèse défendue par beaucoup  en ce moment, les fuites seraient un mal qu’il faudrait bannir, ou au moins ne plus leur accorder l’importance qu’on leur donne aujourd’hui. Souvenez-vous de The Last of Us 2 qui avait été gâché par quelques fuites, ce dont on parlait dans le Mois-Sonneur #75, tout ça parce que ses scènes marquantes et ses retournements de scénario s’étaient retrouvés partout sur internet quelques jours avant le lancement du jeu, sur fond d’ambiance bien pourrie dans le studio.  Sauf que là aussi, personne n’a obligé personne à aller voir les détails propagés, seule la curiosité et quelques journalistes peu scrupuleux l’ont fait (et pour ces derniers, on peut sincèrement leur reprocher).

Les jeux qui seraient gâchés par des fuites parce qu’on perd le bonheur de la découverte, il y en aurait plein mais dans les faits, c’est souvent plus un coup médiatique qu’une conséquence importante, même du point de vue économique. En reprenant The Last of Us 2, le jeu de Naughty Dog s’est très bien vendu et tout le monde a oublié que le scénario du jeu était en fuite avant sa sortie. Et ce sera certainement la même chose pour GTA 6, dont ces fuites ne seront qu’une anecdote. On pourra me rétorquer que ce phénomène met une pression supplémentaire sur les développeurs ; c’est peut-être vrai à court terme et encore, ça reste à prouver, mais sur la longueur d’un jeu, et sur la masse de joueurs touchés, c’est une goutte d’eau dans l’océan.

Du point de vue des joueurs, et des consommateurs que nous sommes, les fuites permettent aussi d’avoir un regard sur le jeu qui n’a pas été faussement embelli par le travail de l’équipe marketing. On pourra ici parler de Cyberpunk 2077 dont les problèmes se sont murmurés bien avant sa sortie, cette dernière confirmant les plus mauvais augures. Ce sont souvent des fuites un peu plus confidentielles, qui ne tournent que parmi les médias spécialisés, mais qui restent importantes pour ne pas donner tous les pouvoirs à des éditeurs prêt à toutes les tromperies pour vendre leur produit.

Ces “bonnes” fuitent sont d’ailleurs aussi acceptées par les entreprises elles-même, au point ou on peut raisonnablement penser que certaines en organisent volontairement pour nous donner envie d’assister à leurs présentations. On pense ici au duo Electronic Arts et Ubisoft qui sont excessivement mauvais pour garder des secrets, en témoignent les régulières annonces en avance de nouveaux Need for Speed ou la récente révélation d’Assassin’s Creed Mirage quelques jours trop tôt.

En évoquant Ubisoft, le studio est un professionnel de la fuite depuis des années, et aucune de ses conférences de l’E3 n’a été épargnée. C’est aussi comme cela qu’il ont construit le mythe de “la dernière vidéo” qui elle, comme par miracle, ne sortait jamais dans la presse en avance (on peut aussi ajouter le retour de Beyond Good and Evil 2 en 2017). C’est tellement devenu une institution que quelques youtubeurs ont décidé de se spécialiser dans les fuites de l’éditeur français, c’est dire si elles sont récurrentes.

C’est d’ailleurs un de ses youtubeurs spécialisés qui s’est fait attrapé récemment comme étant une source de fausses fuites autour d’Assassin’s Creed et de tous ses copains sous label Ubisoft. Car oui, c’est le principe même d’une fuite, on ne connaît pas la source, elle peut donc être complètement trompeuse. Et de ce point de vue, on n’a beaucoup moins entendu les médias spécialisés ces derniers jours revenir sur leurs annonces toutes plus fracassantes les unes que les autres, écrites au conditionnel et qui ne sont jamais arrivées.

Qui se souvient d’Electronic Arts sur le point d’être racheté par Microsoft il y a quelques années, du retour de la licence Fable annoncée plusieurs années de suites, tout comme Half-Life 3 ou Beyond Good and Evils 2 ? Et que dire de la Switch Pro ou du pauvre projet Abandonned torpillé par des “on dit” ? Car oui, avant de savoir si une fuite est bonne ou mauvaise et à qui profite le crime, il convient de s’assurer qu’on ne disserte pas sur du vent sorti de l’esprit imaginatif de quelqu’un qui se fait un coup de communication.

Je pense que c’est ce qu’il faut ressortir de toutes ces histoires, y compris de celle vécue par GTA 6 : avec un public mieux éduqué, les fuites perdraient grandement en importance. Je parle ici d’éducation à la fabrication d’un jeu, au déroulement interne des studios, aux phases de pré-alpha ou de pré-production, et ainsi de suite. Cette éducation vaut aussi pour les médias spécialisés qui oublient bien souvent leur morale face à un tas de billets verts issus de la publicité d’un titre attractif. Soyons donc un peu moins idiot ; des infos continueront de fuiter, à nous de leur donner leur juste niveau d’importance.

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