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Mois-Sonneur #99 : Quel avenir pour Ubisoft ?
Habituellement l'Été est une période bien calme dans le monde du jeu vidéo où tout le monde attend la Gamescom pour relancer la machine de la communication. Mais les habitudes c'est comme tout, ça se change (n'est-ce pas GTA 6). Et au milieu de belles annonces, on regarde le sort d'Ubisoft dont la dégringolade n'en fini plus. Comme toujours, vous retrouvez un billet d'opinion plus complet ci-dessous, sous le Mois-Sonneur numéro 99. N'hésitez pas à commenter et à partager.
Le géant qui pensait marcher sur le vide
Octobre 2013, le monde du jeu vidéo est sur le point de passer à la génération de la PS4 et de la Xbox ONE et Watch Dogs se permet de toiser le grand GTA 5, pourtant en route vers son titre de jeu de l’année. Voilà le niveau de confiance qu’avait Ubisoft à cette époque et c’était tout à fait compréhensible ; l’éditeur français était connu pour ses jeux à gros budget qui n’hésitaient pas à repousser les prouesses techniques tout en offrant des aventures mémorables comme avec Far Cry 3, Assassin’s Creed 2 ou Rayman Legends, pour n’en citer que quelques uns. La marque Ubisoft était un symbole de qualité, un symbole de confiance.
Ce que nous ne savions pas à ce moment-là, c’est que nous étions arrivés au pic de l’entreprise, et que le déclin qui allait s’enclencher allait être long et de plus en plus abrupt. Et sur le chemin, la sonnette d’alarme a été déclenchée à de nombreuses reprises, notamment par nous-même chez Total-Gamer où nous n’avons pas attendu les projets en free-to-play moisis pour appeler au réveil. Il y a eu Assassin’s Creed Unity et sa sortie bugguée qui imposa un correctif plus lourd que le jeu lui-même, Far Cry 4 qui tentait de refaire vivre Vaas, Far Cry Primal qui a tenté de maquiller son vol de Far Cry 4 et du projet Wild par Michel Ancel, ce dernier ayant quitté à mi-temps le studio parce que Beyond Good and Evil 2 n’avançait pas, ce dernier finissant par revenir en 2017 pour nous pondre une plateforme fumeuse d’exploitation des fans en 2018. Il y a eu Steep, et Assassin’s Creed Syndicate, Ghost Recon Breakpoint et Far Cry 5, puis 6, Et de fil en aiguille, les projets Ubisoft se sont délités.
Tout n’est pas à jeter, j’ai cité Far Cry 6 qui n’est pas un si mauvais jeu, et on pourra m’argumenter que les 3 derniers Assassin’s Creed ne sont pas de si mauvaise facture. On pourra pourtant difficilement venir défendre que ce sont des jeux novateurs, qui repoussent les limites, ne serait-ce que technique, et qui marquent l’histoire. Au mieux, ce sont des blockbusters moyens, sans saveur, qu’on fait faute de mieux et qu’on a aussi vite oubliés. Est-ce normal de n’obtenir que ça de la part d’une entreprise multinationale, de plus de 30 ans d’expérience et qui possède pas loin de 10 000 employés à travers le monde ?
La pente était déjà glissante, tous les feux d’alarme étaient allumés et on a presque cru que la société avait compris lorsque son patron Yves Guillemot annonçait un changement d’organisation, avec plus de producteurs, plus libres, des nouveaux studios moteurs et l’envie de recréer des licences vraiment différenciées, en prenant des risques. C’était au début de l’année 2020 et même si des évènements plus ou moins extérieurs sont venus complexifier la route, ce n’était qu’un écran de fumée, une façade pour essayer de sauver de la crédibilité.
Il y a eu le Covid-19, et puis l’affaire de harcèlement qui a exposé à la lumière du jour des faits très graves et couverts d’en-haut. Tout n’est pas si joli que ça au pays de l’entreprise créée en Bretagne. Sauf que la graine de la chute était ailleurs. Cette volonté de changer les choses n’avait qu’un objectif : recopier Fortnite pour récupérer le plus d’argent possible en prenant le moins de risques. La dernière démonstration qu’Ubisoft ne s’intéresse plus aux jeux vidéo depuis longtemps mais à l’argent, point barre.
Pour cela, sans idée et sans génie, il faut recopier les autres, sans trop comprendre ce qui fait leur succès, populaire et commerciale, en espérant qu’avec assez d’essais, le hasard fera le boulot. Après l’ère du Game as Service, l’ère du free-to-play as service, et tant pis s’il n’y a même pas grand chose à jouer, si le jeu est pourri ; tant qu’on peut extirper des euros de la poche des gens, on fonce.
Voici alors Hyper Scape, annoncé comme Apex Legends c’est à dire sorti de nul part et sans préparation. Sauf que contrairement au FPS de Respawn Entertainment, on a là un jeu moyennasse et pas du tout intéressant. Résultat, à peine un an à vivoter et on débranche la prise, merci d’être venu mais non merci en fait. On aurait pensé que ce symbole de l’échec aurait suffi à échauder Ubisoft, le dernier rempart pour ramener à la lucidité. Et voici The Division Heartland, XDefiant, Ghost Recon Frontline, Roller Champions et on se demande encore pourquoi Riders Republic n’a pas suivi le même chemin.
Sauf que là, ça y est, les joueurs n’adhèrent plus. Certes, le studio reste à flot sur son Assassin’s Creed chez les Vikings qu’il rentabilise jusqu’à la corde, et sur son Rainbow Six Siege, rare éclaircie en presque 10 ans. Mais les nouveaux projets n’attirent plus les foules. Pire, les jeux encore en développement sont moqués à l’envie, jusqu’à même reculer une bêta ouverte pour Ghost Recon Frontline avant de finalement tout faire sauter mois d’un an après. Personne n’y croit et quand une rumeur d’annulation autour de l’affreux Roller Champions fait surface, c’est Ubisoft qui doit jouer le rôle du pompier, sans y mettre de conviction, juste pour éviter une nouvelle moquerie. Tout simplement pathétique.
Pour que le tableau soit complet, il convient d’indiquer que quelques gros projets sont encore dans les tuyaux, quelques maigres lueurs d’espoirs auxquelles plus grand monde ne croit. Je pense à Skull and Bones, qui va quand même sortir et enlever une grosse épine diplomatique du pied d’Ubisoft, même si on peut parier sur un échouage en moins de 12 mois. On pensait tester Avatar Frontiers of Pandora d’ici la fin d’année, pour accompagner la sortie du nouveau film Avatar mais c’est encore raté. Le jeu nous reste inconnu et il se trouve repoussé sans plus d’explications. Parait-il que le titre serait ambitieux mais dans la bouche d’Ubisoft, on se demande bien ce que ce terme signifie aujourd’hui.
Il y a aussi le joyaux de la couronne, la licence Assassin’s Creed qui garde les faveurs des fans et dont le projet Assassin’s Creed Infinity devrait être sa dernière forme de transformation, pour complètement devenir Game as Service. Sauf que là encore, les bruits qui sortent autour du projet sont très loin d’être rassurant avec un jeu qui ne sait pas où aller, alors on prépare des DLC pour les Assassin’s Creed en cours, qu’on n’arrive même pas à faire alors on en fait des jeux à part, qu’on n’arrive même plus à faire correctement non plus alors on dit qu’on les retarde. Même ça, même Assassin’s Creed, Ubisoft semble ne plus savoir comment faire.
La seule bonne nouvelle est le jeu Mario et les Lapins Crétins, fait en autonomie et qui ne devrait toucher qu’une niche de joueur, quand bien même ses qualités sont reconnues. Pour le reste, il n’y a plus rien sur la route descendante qu’emprunte Ubisoft. Pire, ses employés s'en vont à vitesse grand V, les meilleurs les premiers, parce que même la gestion des cas de harcèlement n’est pas faite correctement. C’est donc ça qu’il y a devant Ubisoft : le vide. On ne parlera plus de descente mais de chute vertigineuse. Et qu’on soit bien clair, le géant français à déjà mis un pied au-dessus du précipice, et seuls quelques fans acharnés, ou mal informés de ce qui existe ailleurs, le tiennent encore sur la terre ferme.
Le tableau que je viens de dépeindre amène à penser que la chute d’Ubisoft est maintenant une possibilité. Oui, il y a un scénario dans lequel le studio explose complètement d’ici 2 ans, quittant sa place de mastodonte du jeu vidéo pour se contenter de Just Dance et quelques miettes par-ci par-là. Et ce scénario a maintenant une probabilité qui mérite qu’on le regarde en face. Mais tout n’est pas complètement perdu. Ubisoft a assez d’argent pour supporter une à deux années creuses lui permettant de préparer du lourd pour son avenir. Il y a aussi des bruits sur un possible rachat qui rebattrait complètement les cartes et nous appellerait alors à une nouvelle analyse. Avec tout cela, le scénario qui veut qu’Ubisoft se remette en état de marche et redevienne le studio respecté qu’il était en 2013 sans trop de chahut devient de moins en moins crédible. Et alors, attention aux secousses.
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